Il est temps. Après trois longues années de formation et d'apprentissage avec les meilleurs, il est l'heure pour ces quelques élèves triés sur le volet de passer leur examen final, entérinant ainsi leur entrée dans la guilde des dessinateurs et, plus spécifiquement, la fonction à laquelle chacun.e pourra prétendre en fonction de ses résultats. Autant dire qu'il s'agit pour ces apprenti.e.s d'un jour fondamental, précieux, qui marquera l'aube de leur nouvelle vie.
Le jury se compose de trois femmes et d'un homme, tous dessinateur.rices de grande compétence qui ont participé à la formation des élèves qui leur font face. L'une d'entre elle se lève et s'avance, l'air sérieux vissé au visage, masquant mal un demi sourire satisfait puant la fierté. " Jeunes élèves, il est l'heure de votre examen de fin de cycle, marquant l'aboutissement de votre formation. C'est aujourd'hui que se scellera votre sort de dessinateur. Je vous souhaite à tous bonne chance. " Elle s'efface, la marâtre au regard de feu, et retourne aux côtés de ses acolytes. Les élèves sont installé.e.s confortablement, puisque chacun sait qu'il devra réussir -- du moins, tenter -- trois épreuves pour pouvoir réussir cet examen. Ils passeront dans l'ordre alphabétique.
Leander Kazrel est le troisième.

1ère étape

Voici la première étape de ton examen de l'académie des dessinateurs. Tu vas devoir répondre en une quinzaine de lignes minimum. Tu peux raconter l'état d'esprit de ton personnage, ses doutes, ses espoirs, ses peurs, mais tu peux aussi évoquer les trois années qu'il a subi et qui ont participé à le mener là où il est aujourd'hui.
Seule chose obligatoire // Cette réponse est complètement libre, puisque c'est la première.  
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Bon courage, tu as une semaine.  

Le calme de la salle d'examen a quelque-chose ... D'imposant. Plus que l'apparat des examinateurs. Plus que les grandes arches de verre et les arabesque des fenêtres en cristal. Plus que le stress de ses camarades qui se sent à des kilomètres à la longue. Pourtant, il en faut beaucoup pour impressionner Leander Kazrel, ses voyages l'ayant façonné. Les souvenirs des autres qui le façonnent encore. Ses yeux ont vu plus que certains pourraient le soutenir, mais son âge jeune lui offre la force de tenir face à la gravité du moment. Il sait qu'il n'a pas le droit à l'erreur. C'est une évidence. Mais plus que cela, il doit se transcender : montrer au monde que sa véritable place et au milieu des Spires. Que l'Imagination est son royaume, sa liberté, qui le tire vers le haut à toujours plus se surpasser.


Son matronyme lui offre le privilège d'observer deux de ses camarades à l'oeuvre avant le grand saut. Le regard vif qui ne loupe rien, les traits de son visage sont tendus et reflètent son intense concentration. A première vue, les exercices demandés ne sont pas tout à fait les mêmes entre chaque participant. Mais le jeune dessinateur dénote rapidement les points communs entre les deux premiers candidats. Son souffle est régulier, calmé par l'assurance et la certitude du bien fondé de sa présence en ces lieux.

Ce qui n'a pas toujours été le cas.

Ses premiers pas à l'Académie furent hasardeux, et les enfants à particules -comme il les appelle- ne se sont pas privé de le remettre en question, ne comprenant pas la raison de sa présence dans cette Académie de prestige. Lui qui ne vient de rien. L'étrange. Le placide. Le silencieux. Tout à ses études et ses souvenirs. Ce faux calme dont les cris de rage et de douleurs se battent dans son esprit pour sortir et leur montrer à tout ce qu'il vaut vraiment. Alors, c'est ce qu'il ferait aujourd'hui.

Parce que le dessin représente tout ce qui le rattache encore à ce monde. Cette main tendue qui lui a permis de ne pas sombrer dans les ténèbres et le froid des terres désolées du Nord, désormais il le sait. Une certitude ancrée dans sa peau. Alors, il s'y accroche autant qu'il le peut, défiant ses protecteurs, voyageant à l'autre bout de l'Empire, travaillant sans relâche. Son Don unique, même si le "destin" le lui a accordé, il a toujours tout fait pour l'entretenir, une fois qu'il a compris de quoi il était capable. D'abord gardé comme un secret, la vérité lui éclata au visage, changeant encore sa vie.

Jusqu'à arriver à son nom : "Leander Kazrel".

La voix est cérémonieuse, presque pompeuse, mais il s'en fiche royalement. Docilement, même si son nez en l'air démontre de son assurance et sa fierté -à moins que cela ne soit son orgueil ?-, il se lève de sa place pour s'avancer dans le raie de lumière face aux quatre examinateur. Ses bras se croisent dans son dos pour l'agrandir, cadrer ses épaules et maintenir l'impatience qui vibre dans ses fibres.

Les épreuves et les candidat.e.s se succèdent, mais ne se ressemblent pas. Chacun.e se trouve confronté.e a des difficultés qui leur sont propres, et qui sont l'aboutissement de trois années d'apprentissage ardues et parfois pénibles, surmontées d'un travail harassant et complexe. Les professeurs ne s'en cachent pas, ils usent et abusent des complexités qu'ils ont pu observer chez leurs élèves au cours de leurs enseignements. L'objectif ici n'est pas seulement de parachever leur accomplissement, il est aussi de les mettre en difficulté, et d'observer qui, parmi eux, sortira vraiment du lot.
Leander Kazrel. C'est son tour. L'un des enseignants se lève pour donner les consignes de la première épreuve, le thème libre. L'objectif est simple -- Leander n'a qu'une et unique consigne : impressionner le jury d'une création de son choix venue des Spires. Si ce type d'épreuve paraît aisée, elles sont souvent les plus difficiles, car elles demandent aux apprenti.e.s un trésor qui n'est pas donné, même aux plus grands des dessinateurs. L'imagination.

2ème étape

Voici la seconde étape de ton examen de l'académie des dessinateurs. Tu vas devoir répondre en une quinzaine de lignes minimum.
Seule chose obligatoire // Cette réponse est libre, puisqu'il s'agit du thème de l'épreuve. En revanche, celle-ci doit s'achever par la réussite du dessin de ton personnage, qui doit avoir pour but d'impressionner le jury.  
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Bon courage, tu as une semaine.  

Droit comme un piquet, l'impatience au bord des lèvres de connaître le thème de son épreuve. L'un des examinateurs se lève à son tour et l'étudiant le fixe de son regard bleu orage dans lequel un éclat de curiosité teintée de défi brille de mille feux. Enfin, les mots sont lâchés. Thème libre. Leander en arque un sourcil de surprise, ne s'attendant pas vraiment à ce qu'on lui laisse toute latitude pour impressionner le jury. Déstabilisé dans un premier temps, il sait qu'il s'agit d'un sujet particulièrement piégeur. Aux premiers abords, certains pourraient le croire facile, mais la Liberté avec un grand "L" regorge d'erreurs, de faux-pas et d'interprétations.

Même s'il connaît bien ses examinateurs, il ne pourrait pas non plus se vanter de les connaître sur le bout des doigts afin de tous les contenter. L'autre solution qui s'offre à lui est la plus évidente : utiliser son Don particulier. Évidente. Mais surtout dangereuse, car il sait qu'il est forcément attendu au tournant et l'effet de surprise ne pourrait pas entrer dans l'équation. Pourtant, tout cela reste si tentant. Et jamais encore, il ne s'était expérimenté à aller si loin dans les esprits de ses professeurs, par pudeur et par respect. Pour éviter aussi de se faire juger.

Mais il est justement ici pour l'être.

Alors, il n'hésite plus. Le dessinateur se lance à corps perdu dans l'imagination, arpente les Spires avec aisance alors qu'il sent la présence des quatre correcteurs autour de lui, scrutant ses faits et gestes dans cette dimension si particulière. Parfait, l'effort serait moindre. Déjà, il sent poindre ce qu'il cherche du coin de l'œil pour l'examinateur le plus proche. Sa conscience et ses souvenirs dans son champ de vision. Alors, il lui faut choisir avec précaution : un instant profond, intense, mais qui ne mette pas leurs égos à rude épreuve.


Le dessin s'estompe alors qu'il a touché le cœur de ses quatre cibles. Peut-être Leander fait-il une erreur en commençant par son point fort, son talent particulier, mais il sait aussi qu'il est particulièrement attendu pour cela. Alors, il préfère dégainer tout de suite, pour laisser cela de côté et démontrer son talent dans d'autres arcanes du Dessin et créer l'effet de surprise dans d'autres épreuves. A moins qu'elle ne soit là, la surprise.

L'air vacille en un éclair. Les cris de l'enfance, sonores bruissements de la vie -- l'odeur du siffleur, ragoût et fragrances embaument l'air -- la mélancolie, clapotis du violoncelle brouille le réel, puis la vue, exquise illusion de l'Arche, Leander fiche un trait dans le coeur de chacun.e des examinateur.rice.s. Iels s'attendaient à ce que ce jeune élève brille dans la première épreuve.
La seconde, en revanche, s'annonce plus compliquée.
La jeune professeure se lève, lui fait face. Nellya Til' Aran semble se moquer de lui, de ses iris emplies de volonté. Ce n'est pas sa voix qui résonne dans le crâne de Leander, mais celle d'un autre professeur, en retrait. Il est temps de te confronter à l'épreuve de volonté. Un bijou entrelacé de saphirs se matérialise entre les deux dessinateurs. C'est à celui qui saura le faire sien, les deux âmes devant se battre pour prendre le dessus sur les spires de l'autre. Nellya a l'arrogance fichée dans les prunelles. Elle veut gagner, et son désir est aussi puissant que son Don.

3ème étape

Voici la troisième étape de ton examen de l'académie des dessinateurs. Tu vas devoir répondre en une quinzaine de lignes minimum.
Seule chose obligatoire // Cette réponse doit s'achever par la réussite de l'épreuve de volonté. Attention, la professeure ne la laissera pas faire facilement ...  
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Bon courage, tu as une semaine.  

Chaque dessin est choisi avec soin. Chacun détail avec précision. Le chemin des Spires s'étend devant lui et le jeune dessinateur sait exactement quelle direction prendre dans le dédale infini des possibilités pour que chaque souvenir tranche dans le vif, touche exactement le cœur de ses examinateurs. Heureusement pour lui, il parvient à éviter les pièges, les appels incessant des ombres qui lui promettent des créations plus criantes de vérité. Car qu'est-ce qui est plus vrai que la douleur ? Les souvenirs les plus vifs sont pour lui ceux les plus violents, qui prennent trop de place dans son esprit si jeunes et si ... Déformé.

Pourtant, la lumière et sa détermination maintient au loin ces ombres dangereuses alors que son dernier souvenir s'évapore à son tour, pour ne laisser la place qu'à ce qu'il attendait de pied ferme : des sourires tendres, une paire d'yeux qui brille d'émotion, et des airs satisfaits qui se regardent. En même temps, l'épreuve créative était faite pour lui, en témoignera toujours son superbe cercle bleu qui outrepasse tous les autres. Analyse en parfait reflet de ce qu'il est.

Néanmoins, le jeune dessinateur se doute que le reste de l'épreuve ne sera pas aussi aisée. Alors, un visage plutôt jeune s'avance. Et Leander ne la connaît que trop bien. Nellya Til' Aran. Le sourire léger et satisfait de Leander disparaît pour apparaître sur les traits de sa challenger. Ils n'ont pas tant de différences d'âge que cela, mais Leander eut déjà à faire à elle lors de sa formation et il ne peut pas dire qu'ils s'apprécient franchement. Une nette rivalité s'est construite au fur et à mesure des exercices et, même s'il fut un étudiant studieux et appliqué, le jeune dessinateur ne put s'empêcher de la défier ou pêcher par un trop plein d'arrogance. L'ironie n'est probablement pas la seule responsable dans la présence de la noble face à lui ce soir. Et le frisson qui parcourt l'échine de Leander se mêle à son impatience d'en découdre, car il sait parfaitement sur quoi elle va le défier.


Le bijoux aux reflets d'argent miroite de par ses superbes saphir. Flottant entre eux, tel un trésor à conquérir, la consigne révèle qu'il s'agit simplement de cela. Une création dans les Spires dont les dessinateurs doivent s'emparer. Très bien.

Il n'est un secret pour personne que le doute habite chaque pensée de Leander. Que ses dessins restent toujours dans l'immatérialité, éphémère à jamais. L'un de ses regrets les plus profonds quand il voit les trésors et merveilles durables de certains de ses collègues. Personne ne l'attend sur cette épreuve, alors, il lui faudrait faire preuve d'astuce pour s'en sortir. Non. De ruse.

Son regard bleu orage se pose sur son adversaire avant de se poser sur l'objet. Contrairement ce que l'on aurait pu attendre de lui, il ne se jette pas sur la création dans les Spires en premier, laissant le champ libre à son adversaire, car il sait qu'elle aurait toute la volonté pour l'éjecter presque directement. C'est donc une Nellya perplexe qui met ses premières griffes mentales sur l'objet de leur convoitise et rien qu'à son sourcil arqué et son sourire effrité, Leander sait qu'il a une carte à jouer. Il s'agit bien d'une épreuve de Volonté, certes, mais personne ne lui avait interdit de faire quoi que ce soit d'autre.

Il se plonge à son tour dans les Spires, avant qu'il ne soit trop tard, fait sentir à son adversaire que son esprit s'échappe vers d'autres directions alors que des dessins prennent forme de son esprit. Indistincts. Diablement intriguant. Suffisamment pour que son l'attention de son ennemie se détache quelque-peu de sa prise. Et il le sent quasi-immédiatement. D'un bond, d'une Spire à une autre, la Volonté de Leander bouscule, pousse avec virulence l'imprudente curieuse pour la détacher complètement de l'objet dans un cri imaginaire de surprise. Avec tout autant de rapidité, le candidat s'enfonce dans les Spires pour comprendre toute la complexité du collier de saphir. Chaque éclat. Chaque arabesque d'argent qui entoure les pierres. Il en change imperceptiblement la forme, s'approprie le dessin pour qu'il soit déjà un peu plus différent que le précédent pour que les Spires diffèrent, elles aussi. Oblige la pauvre leurrée, à changer sa stratégie à chaque fois qu'elle tente de s'accrocher à l'œuvre. Une griffe posée, que le dessin change encore un peu, la détachant. Une autre main mentale et Leander abuse de sa Volonté pour maintenir suffisamment sa prise pour changer la forme d'un saphir.

Une joute longue, ardue, Volonté contre Volonté. Un peu de créativité et de ruse en béquille pour compenser. Démontrer toute sa détermination et son envie de montrer aux autres que la simple force brute ne suffit pas. Que l'intelligence et sa connaissance des Spires a son rôle à jouer. Le jeu continue un moment et elle redouble d'effort et de rage, quand lui sent les gouttes de sueurs perler sur sa tempe et couler, son propre souffle qui se fait plus profond et saccadé. Il veut lui faire mordre la poussière. Jusqu'à ce qu'un cri de frustration plus délectable que le plus doux des breuvages perce le silence de la salle.

Il a réussi cette épreuve.
A sa plus grande joie.
Et sa plus grande exultation.

Le cri de Nellya marque la fin du duel. Si l'objet lui appartient désormais, Leander n'en a pour autant pas terminé avec ces épreuves qui l'attendent, ardues, complexes, sauvages. La dernière est sans conteste la pire, puisqu'elle met en danger les élèves de l'académie, mais elle est aussi la plus évocatrice de la destinée qui se profile pour chacun.e d'eux.elles.
Réussir cette épreuve avec brio est s'assurer une éternité dans les plus beaux rôles de l'empire.
Le dernier juge se lève, s'approche de l'élève, et fait surgir de ses Spires un Ts'lich plus vrai que nature, de ceux dans leur forme la plus originelle, lézard vociférant à la bave écumante. Il ne semble pas très brillant, mais ses lames, en revanche, sont dangereuses. Tranchantes comme l'acier, envieuse de se teinter du rouge sang de l'apprenti.
Le professeur rassure les autres élèves qui se mettent à hurler, spécifiant que si Leander risque sa vie, ils interviendront pour mettre fin au mirage.
A ces paroles suivent un hurlement sauvage du Ts'lich, qui se jette sur l'élève, lames en avant.

4ème étape

Voici la quatrième étape de ton examen de l'académie des dessinateurs. Tu vas devoir répondre en une quinzaine de lignes minimum.
Seule chose obligatoire // Cette réponse doit s'achever par la réussite du combat. Pour rappel, si l'élève est en difficulté, les professeur.e.s interviendront : aucun élève ne doit subir de dommages vitaux lors de cet examen.   Leander doit user du dessin, et seulement du dessin, pour vaincre ce Ts'liche. Il ne peut matérialiser d'arme pour le combattre au corps à corps.
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Bon courage, tu as une semaine.  

La joie ne sera que pour un court instant. Un moment suffisant pour illuminer le visage du jeune dessinateur d'un sourire narquois et triomphant face à celle qu'il aura toujours vu comme une rivale. Réussir à lui arracher cette victoire par ce cri, qui plus est lors de ses examens finaux, est un véritable plaisir. Non, presque une réelle extase.

Pourtant, il se reprend très vite, ayant bien conscience que la fin n'est pas pour tout de suite. Car, il sait que la dernière épreuve reste celle de tous les possibles et de tous les danger : l'épreuve de son Pouvoir. Il s'attend à tout. Son imagination débordante dopée par sa créativité, il sait que cela peut prendre n'importe quelle forme qui montrerait à tous à quel point il est capable.

A tout.

Sauf peut-être à ce qui se dessine juste devant ses yeux qui s'écarquillent. Une forme monstrueuse prend de plus en plus de place dans la grande salle d'examen. D'écailles et de crêtes qui se mélangent dans une forme reptilienne des plus repoussantes. Une longue lame, en prolongement de son bras, comme une faux mystique annonçant le retour de la mort. Son regard à la pupille verticale qui le fixe et laisse bien présager ce qui risque de lui arriver, la mandibules qui lui servent de bouche cliquettent pour le confirmer. Une créature qui paralyse d'effroi chaque maillon de la chaîne alimentaire se trouvant sous lui.


Même si le jeune dessinateur eut l'occasion, maintes fois, de prouver son courage et sa détermination dans des combats dans le Nord de l'Empire, jamais il ne fit face à une pareille créature. Et, pour être tout à fait honnête, ses qualités de combattant laissèrent la guilde de mercenaires qui l'avait recueilli emplis de scepticisme. En soit, la mort ne croisa jamais son chemin, mais la dangerosité du monde -et son incommensurable maladresse- laissèrent des traces sur sa peau meurtrie à jamais. Étrangement, Leander les sent brûler rien qu'à la vue du monstre. Comme si toutes ses peurs et ses pires souvenirs se bousculaient pour défiler devant ses yeux. Même son doigts manquant se rappelle à lui à cet instant.

Tétanisé.
Alors que le monstre se jette sur lui à grande vitesse.

D'instinct il se jette dans l'Imagination, comme dans un refuge, cherchant la porte la plus proche pour faire apparaître une protection. Quelque-chose, n'importe quoi qui pourrait empêcher la vision d'horreur de le percuter. Alors, ce n'est peut-être pas le dessin le plus imagé et le plus détaillé qui n'ait jamais fait, mais le mur de pierre qui se dresse subitement face au monstre remplit largement son office. Un bruit sourd -signifiant bien que la créature se l'est prise de plein fouet- sort subitement Leander de sa torpeur. Mais que lui arrive-t-il bon sang ? Il doit se ressaisir et rapidement pour passer cette épreuve et ne pas lamentablement se rétamer si près du but, à l'image du pauvre reptile qui n'a pas du comprendre ce qui lui arrive ...

D'un mouvement fluide, le jeune homme se décale donc du mur qui disparaît doucement, évaporé comme un mirage, mais laissant encore quelques pas pour appréhender correctement la situation. Le Ts'lich est déjà à nouveau sur ses pattes, près à se venger mais méfiant, la base aux lèvres alors qu'il complète l'arc de ce cercle que dessine Leander en face de lui. Face à face. Leander prend une grande inspiration avant de replonger à nouveau dans les Spires. Une stratégie se dessine doucement dans son esprit qui reprend les commandes et elle se déroule à chaque pas supplémentaire qu'il fait dans cet univers onirique. Même si la créature en face de lui n'est qu'un dessin, elle semble presque se muer d'une volonté propre et s'élance à nouveau pour l'empêcher de terminer ce que son adversaire bien de commencer.

Sa création bascule déjà dans la réalité en un claquement de doigt théâtral de son créateur. Une longue corde d'argent s'emmêle dans les pattes du monstre qui trébuche et bascule à nouveau dans un bruit rauque. Mais la corde ne fait pas long feu, la faux qui prolonge le bras du Ts'lich en action. Suffisamment, néanmoins, pour laisser le temps à Leander d'aller encore un peu plus loin dans son pouvoir. Un nouvelle corde apparaît. Plus brillante et résistante que la précédente. Encore une fois le monstre s'en débarrasse mais avec plus de temps encore cette fois-ci. Un pas seulement fait-il avant qu'un nouveau dessin ne s'empare de lui. Plus tangible. Mais quasi-identique. Encore un peu plus de temps. Encore un peu plus loin dans l'Imagination. Les cordes deviennent plus complexes, des nœuds savants apparaissent, à mesure des cris de frustration du monstre qui se débat. L'entre-lac progresse, forme des dessins complexes et scintillants sur la chitine de l'adversaire. Il y a quelque-chose d'extrêmement satisfaisant à la voir ainsi bloquée, entravée, pouvoir pleinement l'observer, l'étudier pour s'approprier ce souvenir qui restera marqué au fer rouge dans l'âme du dessinateur. Il repère d'ailleurs bien vite les points faibles dans sa posture, pour une mettre une nouvelle entrave qui glisse comme un serpent sur le corps du monstre.

Le fin sourire en coin qui le caractérise retrouve doucement sa place sur son visage et il décide de s'approcher un peu plus de l'œuvre vivante qui prend place de plus en plus. Péché d'orgueil alors que la lame du monstre fend l'air pour couper l'une des cordes. La pointe de l'os qui part et caresse la pommette saillante du dessinateur. Fin filet de sang qui glisse sans le faire bouger d'un millimètre. Énième marque laissée, pour à jamais se graver dans son corps et son esprit.

Comme surprise d'avoir touché sa proie, la bête se stoppe. Oeil contre oeil, qui se plongent l'un dans l'autre. C'est à ce moment-là que Leander lâche sa dernière création. Les cordes d'argent s'illuminent comme jamais, alors qu'elles entourent le prédateur devenue proie piégée de toutes part. Température de rupture, métal en fusion dévastateur, alors qu'elles font fondre la carapace et les muscles en dessous. Fumée immatérielle qui s'échappe dans l'ultime cri de douleur. Traces noires laissées comme des dessins morbides. Rien de spectaculaire. Juste des marques miroirs de celles qui lui dessinent la peau.