Ma naissance a été un évènement. Une grande fête dans toute la Citadelle. Le Seigneur de la Citadelle des Marches du Nord a enfin une fille ! Après les cinq garçons, une petite princesse est enfin née ! Et visiblement, ça sera la dernière enfant, puisqu'Aloïs, la femme du Seigneur, est morte en couches.

Vous l'aurez deviné, la petite princesse, c'était moi. Mais je n'ai pas été traitée comme une princesse, loin de là. J'étais destinée à être une guerrière, et l'entraînement a commencé tôt. A cinq ans, l'âge où les autres enfants jouaient avec des poupées et apprenaient à écrire, on m'a collé une épée en bois dans les mains et ordonné de me battre. J'ai été éduquée à la dure, comme mes frères avant moi. Mais là où mes frères récoltaient les éloges du paternel après leurs succès, je n'avais droit qu'à des "Encore !", "Fais mieux !", "Tes frères maîtrisaient déjà ce mouvement à ton âge !". Oh, celle-là, je l'ai entendue tellement de fois qu'elle s'est imprimée en lettres de feu dans mon esprit. J'en suis venue à détester Maxence, mon plus grand frère, ce guerrier si parfait, sans aucun défauts, qui réussissait tout ce à quoi il s'essayait.

Je suis devenue une enfant taciturne, renfermée. Je n'avais pas d'amis autres que mes frères, je m'entraînais nuit et jours pour plaire à mon père. Père qui, semble-t-il, ne m'a jamais pardonné la mort de ma mère. Ce sont d'ailleurs les dernières paroles qu'il a eut à mon encontre, sur son lit de mort. "Non, ne l'appelez pas. Je ne veux pas voir celle qui a tué la femme de ma vie.". Mais ça, ça n'arrivera pas tout de suite, alors laissez-moi vous raconter la suite. On reviendra à cette phrase plus tard.

Pendant treize ans, je me suis entraînée sans relâche. J'ai appris à manier les lames jumelles comme une extension de mon propre corps. Louis était admiratif, d'ailleurs. Louis, c'est le frère qui est le plus proche de moi, en âge comme en sentiments. Il a toujours été un soutien indéniable, précieux. Je l'aime tellement... Puis à quatorze ans, j'ai enfin pu passer l'examen des Dix Tournois. Mes résultats n'ont pas été à la hauteur pour mon père, bien que beaucoup de Frontaliers m'aient félicitée. Quand je suis revenue, je n'ai eu droit qu'à un regard dédaigneux.

Je suis aussitôt entrée au sein de la Légion Noire. J'admirais ces guerriers puissants depuis toute petite. Entrer dans la Légion, c'était mon rêve. Encore une fois, je me suis entraînée sans relâche. Sans en avoir conscience, je m'isolais des autres Légionnaires, qui ne voyaient en moi qu'une gamine taciturne. Et puis un jour, elle est arrivée. Elle, Aleyna, une jeune femme enjouée et souriante. Pleine de bonne humeur et de joie de vivre. Un véritable rayon de soleil. C'est elle qui m'a appris à me libérer de ce carcan que mon père m'avait imposé, et d'enfin étendre mes ailes pour m'envoler à mon tour.

Aleyna m'a libérée de mes chaînes, et je lui dois la vie.

Mais revenons à mon histoire. Mon père est tombé malade et a finit par mourir. Je n'ai été au courant que par des rumeurs. Puis j'ai reçu une lettre de Louis, qui m'a tout expliqué. Que Père était malade depuis longtemps, mais qu'il refusait qu'on me le dise puisqu'il ne voulait pas me voir. D'après lui, je ressemblais trop à ma mère et savoir que je l'avais tuée lui donnait envie de me frapper. Louis avait tenté de modérer ses paroles dans sa lettre, mais ça faisait mal quand même.

Je suis retournée à la Citadelle uniquement pour le sacre de mon frère, Maxence. Je n'ai pas assisté à l'enterrement. Mes frères me l'ont reproché, mais je n'avais pas l'intention de pleurer pour un homme qui ne m'aimait pas. Je suis retournée directement au sein des quartiers de la Légion à la fin du couronnement. Je n'ai pas grand chose à faire de ma famille, pour être honnête. Mis à part Louis, je n'ai jamais été proche de ma famille.

Aujourd'hui, je suis toujours Légionnaire. La Légion est devenue ma famille, je me suis petit à petit ouverte aux autres et la récompense a été merveilleuse. Ils sont devenus mes amis, ma famille, mes plus proches soutiens.