- La naissance a les relents sulfureux d'un peuple incandescent. Ts'lich il nait, ts'lich il mourra. Dans ses veines, Le désert environnant imprime sur sa peau son propre reflet bronze. Il en garde le souffle ardent et le regard mordoré. A moins que ce ne soit les vestiges de son essence tétrapode.

- La cellule familiale est elle-même chaos. On ne connait ni la douceur, ni la protection au sein des leurs. L'adversité est immédiate et seuls les plus endurants survivent aux étreintes parentales. Les Gahekin - puis d'autres - arpentent les différents territoires, laissant sur leurs traces effroi et mystère. Il est encore jeune mais il comprend déjà et surtout - il apprend.

- Il a dix ans quand ils parviennent dans le mortel royaume Raïs. Dix ans et déjà le temps en guerres souterraines. Il y poursuit une éducation âpre, se cogne le corps et parfois l'âme aux entraînements assassins. L'enfance se meurt en même temps que les coups pleuvent. L'endurance grandit. Du chaos nait la force.

- On lui enseigne les préceptes propres à l'anarchie comme d'autre s'abreuvent du lait maternel. Le Chaos est tout puissant, il est à la source de toute chose. Ce sont les cataclysmes qui élèvent, ce sont les pouvoirs qui forgent. Chez les siens, les unions se déchirent et les Faëls se courbent ; ici le sang étouffe et les couloirs s'étirent sous les secrets ancestraux.
Dès l'enfance, Cosme ferme les yeux et s'imprègne de la symphonie irrégulière des cœurs glacés qui le forgent.

- Son apprentissage lui laisse un goût amer, à moins que ce ne soit l'acide qui lui est naturel sur la langue. Il excelle dans le maniement des armes, les réflexes prompts, le désir de nuire complet mais il veut plus et l'enseignant le met en garde : à trop vouloir, on peut tout perdre. Il n'en a cure : son regard est un vortex, ses mouvements sont des supernovas. Le Big Bang a broyé l'univers pour mieux le recréer et s'il doit fondre sous l'immensité de ses appétits, il ne voit pas pourquoi il reculerait.

-  Il brûle ceux qu'il connait comme les flammes le font avec la cire. Lentement, dans une nonchalante désinvolture car le chaos réside aussi dans les sentiments. La froideur n'est que dans son sang et face aux démesures des guerres - rien d'autre. Vouloir et plier, contraindre et forcer, séduire et détruire sont des comportements naturels à ses yeux, des prolongements de ce qui bout sous les écailles, la fusion thermique, l'analyse épinglée. Il ne goûte pas la solitude parce qu'elle ne lui sied pas et parce que c'est de l'entrechoc entre les corps et les âmes que la dysharmonie peut naître.

- Il n'a jamais su véritablement manipuler les poisons. Ces derniers demandent une précision qu'il n'a pas toujours et qui à vrai dire ne l'intéresse guère. Il préfère demander et voir ce qu'on lui offre ou ce qu'on lui vend à cet égard, de l'amusement sombre perlant au bout des canines.

- Par deux fois, il a fini exsangue à même le sol de Gwendalavir. Par deux fois, les coups de ces guerriers siégeant sur les cimes des remparts aux frontières ont manqué de l'achever. Il en conserve des cicatrices profondes et une anxiété réelle lorsqu'il aborde les lieux. Il se nourrit de ce déséquilibre intérieur sans aucun égard pour lui-même. Ce qui ne tue pas...

- Le corps est une mécanique, la machine huilée sous les remous extérieurs. Il s'astreint à la polir, n'y voit qu'un habit à sa monstruosité naturelle, un trompe-l'œil effectif à offrir aux humains de cet empire amené à disparaitre.

- Cosme excelle en dissimulation. Pas seulement celle qui consiste à se cacher dans les ténèbres et à se fondre dans les tourments mais celle qui veut que l'on obtienne d'autrui ce que l'on désire. Le cerveau est reptilien et par là même enclin aux pulsions primitives, à ce qui permet aussi de les assouvir naturellement. Il lui arrive ainsi de se faire passer pour un frontalier œuvrant en faveur de l'harmonie. Sombre propension à l'espionnage et au sabotage.

- Les sentiments éventrés, le contenu acide de ses actions qui se déverse sur le sol, Cosme titube dans les ténèbres que provoquent les affrontements. Sa loyauté ne réside qu'en lui-même - et même là, il y a parfois matière au doute. Il est difficile d'anticiper ses mouvements, sans parler de ses pensées. Les éclipses sont fréquentes, les mots s'apparentent parfois à des énigmes. Ce n'est jamais à dessein pourtant, il est moins dans l'endurance de l'esprit que celle du corps. C'est plutôt une conséquence du désordre qui s'écoule en continu de lui.

- Il sait qu'un jour ou l'autre, il mourra de la main de l'un d'entre eux, mais l'harmonie n'est pas forcément vie et le chaos n'est pas forcément mort. Voir les choses de cette façon c'est se fourvoyer. Le message - son message - est le suivant : seul le mouvement perpétuel, seules la débâcle et les discordes sont à même de produire, de créer et d'insuffler l'énergie suprême à ce qu'ils sont tous : des créatures marquées du sceau des tragédies passées, présentes et futures.